Les conditions de fabrication du fromage influent sur l'activité des micro-organismes à l'origine de leur flaveur.
A. Le lait
Le lait est un mélange complexe et ordonné de nombreuses substances:
- L'eau la plus abondante, est le milieu de dispersion de tous les autres constituants (900g/L)
- Le lactose, glucide hydrophile présent dans le lait (49g/L)
- La matière grasse, hydrophobe s'en isole sous la forme de gros globumes dont le diamètre moyen est de 3 micromètres. Une fine membrane entoure ceux-ci, les isole et empêche la coalescence, réunion en globules plus gros (42g/L)
- Les protéines (32g/L) divisées en deux catégories: les caséines (6g/L) et les protéines sériques (26g/L) qui diffèrent par leur comportement dans les fabrications fromagères
Il existe plusieurs types de lait. Le lait "IGP" ( Indication Géographique Protégées ) sert à la fabrication de la Tomme, Tommette, Raclette, et provient d'une zone géographique précise.
Le lait "AOC" ( Appellation d'Origine Contrôlée ) sert à la fabrication du Reblochon. Chaque lait est produit dans une zone définie par l'AOC.
Parmi les microorganismes rencontrés dans le lait, les bactéries sont ceux qui prédominent. Les bactéries sont de petite taille. Elles peuvent être sphériques (coques), en bâtonnets (bacilles), mobiles ou non.
On rencontre également des champignons dans le lait:
- Les levures ont une grande capacité d’adaptation à de nombreux substrats, les levures sont très largement répandues dans l’environnement et se retrouve de façon normaledans le lait. Elles sont cependant plus nombreuses en surface qu'à l'intérieur de la pâte. On compte parmi les levures le Geotrichum candidum, présent dans le reblochon.
- Les moisissures, tout comme les levures, peuvent être véhiculées par l’environnement et se retrouver dans le lait et le fromage. Ce sont des micro-organismes filamenteux qui sont disséminés par l’émission de spores ( cellules reproductrices). La présence de certaines d’entre elles de façon superficielle ou interne constitue une caractéristique majeure de certains fromages. C’est le cas du Pénicillium dans la Tomme.
L’évolution des populations levures et moisissures est la même pour toutes les fabrications, elles n’interviennent donc pas dans la composition du goût du fromage.
B. Les micro-organismes lors du caillage et de la déshydratation du caillé
Quelles que soient les technologies fromagères, les bactéries lactiques acidifiantes se multiplient toujours en début de fabrication. Elles ont pour rôle de transformer le lactose, principal sucre du lait, en glucose et en galactose, qui seront dégradés à leur tour en acides, essentiellement en acide lactique. Elles sont nécessaire à la phase d'acidification, qui est cruciale dans le processus technologique, car elle participe à la coagulation ainsi qu'à l'égouttage du caillé, et détermine, en particulier, la texture finale du fromage (pâte molle, pâte dure). Propres à chaque technologie fromagère, les bactéries lactiques jouent un rôle capital dans la sélection des micro-organismes initialement présents dans le lait. Elles doivent aussi être suffisantes pour faire barrière aux pathogènes, mais elles ne doivent pas être excessives, afin de préserver les micro-organismes qui devront agir pendant l'affinage. En fromagerie, on fait appel davantage à la coagulation présure. Il s'agit, dans ce cas, d'ajouter au lait une enzyme, la présure, qui a la propriété de coaguler le lait. La présure est une enzyme agissant sur les protéines est sécrétée par les sucs gastriques de l'estomac (caillette) du jeune veau. Cette enzyme est inactive en milieu neutre, mais devient active en milieu acide. Les bactéries lactiques rentrent également en jeu lors de la fermentation lactique. Ce sont des bactéries, coques ou bacilles, produisant de l’acide lactique par fermentation des glucides simples (fermentation lactique), tolérant des pH acides et un milieu pauvre en dioxygène. On distingue les principaux agents de la fermentation qui sont le streptococcus thermophilus ou lactococcus lactis. Dans ces bactéries lactiques on trouve le gène d’une enzyme (glutamate déshydrogénase) qui permet à ces bactéries de convertir les acides aminés en molécules aromatiques. Cette conversion des acides aminés est à l’origine des différents arômes du fromage. En outre, la présence de matière grasse dans le caillé participe au goût du fromage. Le développement des micro-organismes dépend du chauffage ou non du caillé. En effet, la Tomme est chauffée préalablement ce qui élimine certains micro-organismes et ainsi la conversion des acides aminés ne se fera pas de la même façon que celle du reblochon qui n’a pas été chauffé.
C. Les micro-organismes lors de l’affinage
Affiner un fromage c'est laisser s'opérer naturellement ses transformations sous la double action d'une enzyme (la diastase) et des micro-organismes logeant à la surface et à l'intérieur du fromage.
La croissance des populations microbiennes est différente dans la pâte et sur la croûte. Elle varie pour des fromages issus de technologies différentes. Après la production de molécules aromatiques, des arômes et des saveurs sont révélées pendant l’affinage. La flore de surface est plus importante que la flore intérieure du fromage pour sa flaveur et son aspect.
Les facteurs de l'affinage que sont la température, l'humidité relative et les teneurs en gaz des locaux (O2, CO2, NH3) vont orienter les développements microbiens.
La température est le facteur majeur de développement des micro-organismes au cours de l'affinage. A basse température, les enzymes ont encore une activité appréciable. Au point de vue pratique, les températures d'affinage retenues sont toujours nettement inférieurs à celles des températures optimales de croissance des micro-organismes d'activité des enzymes. Les réglages de température en cours d'affinage permettent de contrôler les développements microbiens, mais aussi les cinétiques enzymatiques (l'activité enzymatique), donc les métabolites produits (glucides, protéines, lipides, acides nucléiques). Pour un fromage donné, un affinage à température réduite en allongera sa durée afin d'obtenir une même texture de pâte. Par contre, si l’on augmente la température il sera plus typé. La température d'affinage est un élément important du typage sensoriel d'un fromage. Elle ne peut pas être modifiée sous prétexte de raccourcir ou d'allonger l'affinage sans que ses qualités sensorielles en soient changées.
La maitrise précise de la composition de l’atmosphère environnant les fromages en affinage est fondamentale. L’hygrométrie des caves est assez bien gérée mais le réglage des teneurs en gaz est plus difficile.
L'humidité relative de l'air des locaux influe directement sur la dessiccation (procédé d'élimination de l'eau) des fromages. L'humidité des locaux doit être proche de la saturation. Les développements microbiens et les activités enzymatiques sont conditionnés par l'activité de l'eau. Les micro-organismes qui participent à l'affinage se développent à des aw (unité de mesure de l’activité de l’eau) différentes. Pour la Tomme, le Pénicillium présent à la surface de la croûte peut se développer à aw bas, c'est à dire à un taux d'humidité inférieur à 70% alors que le Geotrichum candidum de la croûte du reblochon se développe à partir d'un taux d'humidité supérieur à 90%. L'humidité des locaux participe à orienter l'écosystème microbien à la surface des fromages.
Les besoins en oxygène des micro-organismes d'affinage sont très variables. En milieu confiné, leur métabolisme sera plus à l'origine d'une forte production d'alcools, générateurs d'arômes. Le Pénicillium exige une forte oxygénation pour son développement. Alors que des teneurs élevées en NH3 (ammoniac) vont rapidement neutraliser le pH de surface des fromages et limiter le développement du Pénicillium. De même, le développement du Geotrichum Candidum nécessite une cave très oxygénée.
Le pH intervient également lors de l’affinage. La grande majorité des bactéries et champignons ont la capacité de se développer à un pH proche de la neutralité. Geotrichum candidum et Penicillium se développent tout deux à un pH optimal de 6/7.
Groupe |
Min-Max |
Optimum |
Bactéries |
4,5-9 |
6,5-7,5 |
Levures |
2-11 |
4-6 |
Moisissures |
2-9 |
- |
Niveau de pH pour le développement des micro-organismes.
Ainsi, outre l'aspect conféré au produit, les différents microorganismes (levures, moisissures et bactéries) contribuent au développement de la texture et de la flaveur propre à chaque fromage et sont les garants de leur singularité.